« J’ai rêvé qu’une loi obligeait toutes les femmes à se voiler. Ma banlieue était méconnaissable. On croisait dans les rues des visages dont on voyait seulement au centre du drapé de deuil les yeux pétillants d’intelligence, le nez et le sourire. Un amoureux embrassait une bouche gourmande, seule partie visible d’une silhouette féminine. Je me parlais dans mon rêve : « Inana n’acceptera pas de porter le voile, elle voudra continuer de s’habiller comme avant pour sortir. Comment réagiront-ils quand ils s’apercevront qu’elle n’est pas musulmane ? » A mon réveil le ciel était bleu, il ne pleuvait pas, il y avait du soleil, nous étions en Ile- de- France. Inana restait libre de marcher dehors de son pas de danseuse étoile, de se promener fièrement, de toute sa grâce à découvert. Depuis les évènements de Syrie, j’ai des rêves récurrents d’exil, de dépersonnalisation, dont je ressors angoissée d’avoir revécu en dormant ma jeunesse dans un pays arabe où j’avais cru pouvoir fuir l’occident. »
A propos de Syria
Dans la deuxième moitié du 20e siècle, dans la Syrie multimillénaire d’avant la guerre des Six Jours, d’avant la guerre du Kippour et d’avant la révolution actuelle, la narratrice française installée à Damas, au pied du Mont Kassioun, cherche le choc spirituel de la lumière, à l’exemple des anciens ermites venus méditer au désert mais à travers une douleur charnelle prémonitoire, elle découvre physiquement, matériellement, pendant ce corps à corps visionnaire avec le soleil désertique, toute le violence qui couve »